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lundi, 24 avril 2006

ALLUMEZ LE FEU!

Assis sur mon nuage d'acier synthétique
Je vois les lémuriens et leur aérogare
D'où décollent ces pensées d'astres très blafards
S'engouffrant dans les tuyères du chimérique

Une scie sauteuse en guise d'archet, voilà
L'outil qui leur fait créer l'harmonie d'automne
Vrillant la sensibilité par leurs tracas
Son lancinant de la souffrance monotone

Camarades!! Où sont donc passés mille trésors
Confiés à vous pour resplendir au son des cors
Où est passée l'Amour de votre coeur d'azur
Quand jaillirez-vous de cette fosse à ordure

Chrysalides!! Emergez donc de la benne horrible
Devenez papillons de feu pour incendier
Les paillottes de boue où vous vous flétrissez
Mettez les voiles ardentes vers le supra-sensible

samedi, 22 avril 2006

OEIL AUX MILLE DIMENSIONS

Un sourire permanent m'illumine toujours
Il irradie la braise d'un regard de feu
Quels que soient les climats qui règnent aux alentours
Ceci ne m'empêche pas d'être bienheureux

Je ne suis qu'une enveloppe calcinée, un mort
Qui erre au milieu d'une galaxie d'airain
La lande désertique est mon plus beau trésor
Aucun vent ne balaie ce climat très serein

Aucun poète ne s'exprime par ces mots
Qui jaillissent d'un buisson très peu sensoriel
Le talent n'existe pas dans ces vieux tréteaux
Mais rien ne peut stopper l'énergie qui appelle

J'attends de l'autre côté du pont, pas ailleurs
C'est le seul endroit où opèrent les contraires
L'intersection des lignes de fusion sans heurt
Le seul point apparent de l'aube du mystère

LES QUESTIONS DU BARDE

Il n'est nulle liberté sous le velours noir
Des projections minérales de ce soleil
Tous ses rayons ne sont faits que de désespoir
Pas du chant mélodieux qui coule des abeilles

Beaucoup n'ont pas affronté le pont invisible
Passerelle surplombant l'abîme d'éther
Où est la trace des données du non-sensible
Où sont les empreintes des djinns décérébrés

Le graal et son armée de jivaros d'azur
Collectionnent les trophées de ces forteresses
Dont les étendards corsetés sont l'armature
Délicatement ciselée de ses altesses

Sous l'ombre des lasers décodant la parole
Les intervalles entre les mots portent les traces
Du feu qui a détruit de Jéricho la place
Nul ne franchit sans dommage le pont d'Arcole

Où sont les chants de mort resplendissants et clairs
Où sont les bleus ravages de la double lame
Où est enterré le corps d'Enkidou le fier
Qui prétend avoir reçu l'épée de la Dame

jeudi, 20 avril 2006

SUR UNE AILE

Sur une aile du temps qui roule
Comme une immense vague de jaspe et d'ivoire
S'étire un perpendiculaire aimant, miroir
De joie intense et formidable qui s'enroule
En boucles spiralées d'azur contant l'histoire
De l'amant et de ses bien-aimées qui roucoulent
Si fort que leur silence emplit bien des grimoires

Au-delà de l'horizon noir de la misère
Stérile de la sombre avidité mentale
Brûlent les glaciers ruisselants de la matière
En leur sein chante le saignant choeur des vestales
Imprégnées des huiles essentielles de l'éther
Bouillonnant carrousel immobile et spatial

La caresse insensée du vent de la douceur
Imprègne de son ardent toucher délicat
Les effluves inodores parsemés de saveur
Comme la brise effeuillant le corps des lilas
C'est la plainte extasiée des terres de fureur
Délivrées des névroses et autres cancrelats

LA FRAGRANCE DE L'INSENSE

L'insensé sera toujours aux couleurs du coeur
Il ne cautionne plus l'univers cérébré
Où ne se trouvent que menteurs et querelleurs
Pas un ne se souvient ce que veut dire aimer

Le fou a le regard torride et pénétrant
Qui cherche la lueur elfique de l'aurore
Muni de la double lame d'acier aux tranchants
Satinés comme la caresse d'un oeil d'or

La beauté a conquis cette terre de feu
Dont le toucher abrasif donne le frisson
Létal qui mystifie les valets ténébreux

Il est la main qui antidote le poison
La fleur dont le bruyant pollen s'appelle azur
Le baiser solitaire d'un rêve d'ouverture

mercredi, 19 avril 2006

FONTAINE AUX MILLE SARMENTS

A la convergence des cent chemins d'azur
Se trouve la fontaine ardente d'élégance
Eternelle inviolée dans son écrin d'enfance
Les fruits mûrs et les délices forment sa parure

Elle est la gardienne du feu et du secret
Par elle s'embrasent tous les coeurs des amoureux
Elle est du miroir le plus auguste reflet
On trouve toutes les galaxies dans son flot bleu

L'onde émouvante et claire crée des frissons d'aurore
Bruyères étincelantes légères comme plume
Pour couvrir ses sarments d'un joli filtre en or

Et remplir l'atmosphère d'une saveur d'agrumes
Mille univers se lèvent dans sa paume ouverte
Floraison printanière d'une lande déserte

POUR EIDOL

A la suite du banquet où coulèrent vin et hydromel,
elle est mouillée de larmes, je le sais, la mère
d'Eidol de la plaine.

Il s'illustra sur la colline;
devant son ardeur victorieuse,
les corbeaux s'élevaient dans les airs.

Les combattants tombaient
comme un essaim bleu,
autour de lui sans pouvoir fuir,
éblouis, agités, épars, la lèvre livide,
sous les coups du glaive à deux tranchants
de ce noble festin de la veillée.

Aujourd'hui elle n'a plus son sommeil
la mère de ce glorieux roi du combat.

Après le banquet où coulèrent vin et hydromel,
les hommes armés s'en allèrent au combat.
Je ne connais pas semblable récit de carnage.

Total fut leur massacre,
à Kattraeth ils étaient une armée bruyante,
les guerriers de Mynyddawg, le grand infortuné;
de trois fois vingt hommes, un seul en revint.

Après le banquet où coulèrent vin et hydromel,
ils se hâtaient les guerriers que je célèbre.
Autour des liqueurs, ils s'étaient réjouis,
ivres de vin, d'hydromel et de joie.

Dans l'armée de Mynyddawg,
ce suprême gardien du passage de Kattraeth,
j'ai perdu un roi de mes amis.

De trois fois vingt chefs d'armée qui se hâtèrent vers Kattraeth,
un seul homme revint chez lui.


ANEURIN (Pays de Galles, VIème siècle)

mardi, 18 avril 2006

MELANGE UNITAIRE

C'est dans la direction multiple de genèse
Qu'on trouve le labyrinthe aux filaments noirs
La turbulente prudence aux langes de braise
Ouvre la porte pour sortir du décor de foire

Une invasion ardente à base de douceur
Dissout les tragédies dans un bain très lacté
Lente ivresse d'une explosion intime d'ardeur
Noyée dans l'enchanteresse harmonie d'été

L'énergie folle trouve enfin matière à jaillir
Dans le courant immobile d'un serein flux
Qui rayonne la soie d'un bouillant resplendir

C'est la fécondation d'un moment suspendu
A la treille de l'éternité de l'Amour
Dans un temps absent, naissance d'un nouveau jour

lundi, 17 avril 2006

LA HORDE D'OR

Quand les frontières se disloquent
Au gré des courants intérieurs
Quand dehors n'est qu'une breloque
Tombent les derniers défenseurs

Vaillants cuirassés d'ombre éteinte
Le désert s'approprie leurs corps
Qui deviennent poussière défunte
Comme des sarments d'arbre mort

Les dunes mangent le paysage
Qui de silence s'ensorcèle
Le simoun vole à tire d'aile
Pour parachever ce naufrage

Un temps plus loin, trois millénaires
Sur cette plaine sans contreforts
Jailliront comme d'une tourbière
Les fastes de la horde d'or

Sur cette steppe à l'air très vif
Leurs chevaux d'azur écriront
Les pages d'un bûcher festif
Incendiant tous les horizons

Pas un témoin ne saura dire
Qui sont les morts de la saga
De survivants il n'y aura
Dans cet holocauste d'empire

Les récits porteront mention
D'un noir déluge de lumière
Un prélude à l'apparition
D'un royaume sans atmosphère

De ces mots gravés dans le vent
Des réseaux de pur silicium
Germeront de nouveaux torrents
Limon fertilisant pour Hommes

dimanche, 16 avril 2006

LE VIN DES NUES

L'acidité moelleuse des arômes sans saveur
N'a jamais déchiré les palais sensitifs
Le vin ne se limite pas à sa couleur
Ou aux multiples goûts pointés par l'olfactif

Un ciboire invisible te verse la ciguë
Amertume onctueuse qui t'emmène au-delà
De l'aspect corrodé d'un univers obtus
Dont tu ne seras désormais qu'un renégat

La fièvre froide qui te sert d'illustre abreuvoir
Ne connaît pas de niveaux de température
Elle dissout les fragrances de tout désespoir
Pour dénuder ce monde sans enluminure

Ne restera qu'un point brûlant très essentiel
Qui enivre des vapeurs d'absolument rien
Comme un champignon magique et très irréel
Hallucination atomique sans lendemain

vendredi, 14 avril 2006

MORSURE DE LUMIERE

Rien n'est plus doux que le venin
Et les corrosions qu'il parsème
Quand il pénètre au coeur du sein
Pour rejaillir tel un diadème

L'onctuosité abrasive
De la couleur de l'essentiel
Déflore la toile sensitive
Dans un élan sacrificiel

Comme un parchemin manuscrit
Dont l'encre s'envole en poussière
Et le papier devient flétri
Sous un projecteur de lumière

Mue du serpent dont la peau meurt
Personne pour se montrer déçu
Quand du cratère de la fleur
Surgit le pollen des très nues

jeudi, 13 avril 2006

L'ETREINTE D'UN BAISER ABSENT

Dans ces embrasements sans lave
Qui brûlent sans une étincelle
Sans que d'un feu on voie l'étrave
S'enflamment les formes réelles

Dans ces baisers sans nulle étreinte
Dans un seul coeur resplendissant
Quand les ombres se sont éteintes
S'élèvent alors les anciens chants

Dans l'harmonie d'une saveur d'airain
Absente au point d'en devenir légère
Dans le charme infini du clair matin
Les yeux noyés dans l'odeur de la mer

Milliards d'images qui se lèvent et meurent
Sans qu'un seul cil ait balayé la vue
Tout retombe dans ces calme et splendeur
Sans qu'un bruit ne soit jamais apparu

SANS CAPTEUR NI PERCEPTION

Ce que la parole ne permet pas d'exprimer
Ce que la vue ne permet pas de distinguer
Ce que le toucher ne sait pas appréhender
Ce que l'odorat ne sait pas déterminer

Ce que l'ouïe ne permettra jamais d'entendre
Ce que le goût ne permettra jamais de rendre
Ce que la pensée ne saura jamais comprendre
Le coeur saura toujours comment il faut l'attendre

Le coeur n'est pas la pompe vermeille et mécanique
Le coeur est dénué d'émotions névrotiques
Le coeur repose dans une alvéole harmonique
Où ne résonne aucun mouvement hystérique

Mille horizons bordent son berceau de lumière
Où ne se trouve pas une trace d'atmosphère
Creuset d'azur créant l'incendie permanent
Dont la douceur est l'élément le plus ardent

PRISE EN CHARGE

Porté par la Dame, va serein
Où n'est nulle femme, sans chagrin
Sans regret dans ce feu sans flamme
Il n'est plus de blâme, en chemin

Elle te guidera, vers l'aurore
Monde du trépas, des vrais ors
Loin des paillettes et falbalas
Finis les tracas, soleil mort

Suis aveuglément, la confiance
Marche dans le vent, d'espérance
Abandonne-toi à l'amant
Sois dans le Vivant, insouciance

Murmure de tendresse, non fugace
Parfum d'allégresse, très vivace
Pas une vision enchanteresse
Juste un air de liesse, suis la trace

mercredi, 12 avril 2006

LA COMPLAINTE D'UN MENDIANT

Ce que je suis n'a rien à voir avec ce corps
Ce que je suis n'est pas visible dans le décor
Ce que je suis vibre sans l'ombre d'un ressort
Ce que je suis est le reflet d'un pur trésor

Dans ce reflet, je ne puis être que mendiant
Cherchant pitance au plus profond du feu ardent
La lumière dont je m'abreuve vient du néant
Comptent pour moi les seuls moments où elle me prend

Tel un veilleur je guette ces passages de feu
Qui m'enivrent tant je suis Amoureux
Dans la caresse intérieure je souris joyeux
L'insouciance resplendit au contour de mes yeux

Quand le sort me renvoie à l'aube des éphémères
Je suis casqué d'éther pour affronter leurs pierres
Adorateurs fâcheux des cendres de naguère
Ils préfèrent usiner leur paradis d'enfer

Rien ne jaillit de leurs auras superficielles
Eprises de saveurs ternes et artificielles
Ils s'enfuient au moindre soupçon d'air essentiel
Ou bien condamnent avec des mines solennelles

L'insensé reprend alors le chemin des fols
Amants qui ont abandonné la pensée molle
Pour trouver l'instant où le temps suspend son vol
Coeur vierge et rayonnant d'une calme farandole

A CEUX QUI N'ONT PAS

O vous qui n'avez pas, ne rêvez pas d'avoir
Vous perdriez alors le temps de votre gloire
Cherchez plutôt le chemin des trésors du vent
La joie et la tendresse d'un éternel printemps

Regardez donc la triste mine des possédants
A leurs biens de poussière enchaînés vivants
L'avidité a ruiné la clarté joyeuse
De ces regards portant trahisons trop nombreuses

D'abord l'envie puis de perdre la sombre crainte
Ont dévoré ces âmes qui de misère sont étreintes
Où sont passées les traces de ce très fol Amour
Qui illuminent les prétendants sans discours

O vous qui n'avez pas, oubliez cet avoir
Soyez certains qu'en lui ne vit que désespoir
A attendre qu'il vous échoit une possession
Vous anémiez la lumière de votre raison

Laissez vos yeux se remplir d'aimable harmonie
Cela suffit pour que s'éveille le temps présent
Du coeur se lève du silence la mélodie
Remplissant de bien-être les yeux de l'ébloui

Cherchez au plus profond la source d'espérance
D'où jaillissent enivrants les délices en fragrances
Ruisseaux de dentellières qui grimpent des sommets
Dans cet abîme dont l'abstinence a le secret

PARURE

D'une flèche était la parure
Empennage embrasé d'azur
Portée par la brise légère
Elle embrassait les courants d'air

Sillage brûlant d'èmeraude
Créant des frissons de chaleur
Tel un ouragan quand il rôde
Avant d'envoyer ses couleurs

Sa pointe de diamant taillé
Cherchait les cibles invisibles
Pour les faire s'émanciper
Dans le fracas de l'indicible

Dans l'aube des incendies notoires
Un chant revivifiait les nues
Tombaient alors les oiseaux noirs
Comme les corps des disparus

Une flèche comme un murmure
Cri qui célèbre l'Ouverture
Caresse d'un vent de lumière
L'envers d'absence du désert

ODE A MICHEL ONFRAY (ET AUTRES ADORATEURS DE LA PENSEE MECANIQUE)

Salut à toi, philosophe du pathétique
Charançon d'inutiles pensées mécaniques
Pondeur de vains discours creux et répétitifs
Vaniteux charlatan amateur de poncifs

De l'hédonisme tu te prétends représentant
Tu n'es pourtant qu'un intellectuel stérile
Plaisir et souffrance ne sont pas différents
Le croient les aliénés, les inconscients débiles

Tes paroles sont fondées par le nauséabond
De la pensée hystérique elles sont les otages
Neurones éteints ne sachant qu'un affreux verbiage
Que tu fais passer pour une belle érudition

Constructeur de viles théories insipides
Tu affirmes fort tes opinions essentielles
Qui se révèleront aussi creuses que vides
Constituées de fragments de superficiel

Tes idées sont du recyclage passéiste
Relooké aux couleurs d'un temps plutôt absent
Tu vends de la soupe aux malheureux indigents
Qui se réjouissent d'avaler ta bouillie laxiste

Le jour où tu sauras définir le sujet
Peut-être écouterons-nous ta prose arrogante
Fondée par l'autosatisfaction délirante
De l'épicier qui aime encaisser la monnaie

Sois rassuré tu n'es pas seul dans cette misère
Ce brouillon d'intellect qui brasse de l'ineptie
Nombreux sont ceux qui se complaisent dans l'avanie
De leurs fronts obtus ne jaillit pas la lumière

POEME SUR PUR NEANT

Je ferais vers sur pur néant
Ne sera sur moi ni sur autre gent
Ne sera sur amour ni sur jeunesse
Ni sur rien autre
Je l'ai composé en dormant
Sur mon cheval

Ne sais quelle heure fut né
Ne suis allègre ni irrité
Ne suis étranger ni privé
Et n'en puis mais
Qu'ainsi de nuit fut doté par les fées
Sur un haut puy

Ne sais quand je suis endormi
Ni quand je veille, si l'on ne me le dit
A peu ne m'est le coeur parti
D'un deuil poignant
Et ne fais pas plus de cas qu'une souris
Par Saint Martial

Malade suis et me crois mourir
Et rien ne sais plus que n'en entends dire
Mèdecin querrai à mon plaisir
Mais non si mon mal empire

J'ai une amie, ne sais qui c'est;
Jamais ne la vis, sur ma foi
Rien ne m'a fait qui me plaït, ni me pèse
Ni ne m'en chaut
Que jamais il n'y eut Normands ni Français
En mon hôtel

Jamais ne la vis et je l'aime fort
Jamais ne me fit droit ni ne me fit tort
Quand je la vois, bien en fais mon plaisir
Et ne l'estime pas plus qu'un coq
Car j'en sais une plus belle et plus gentille
Et qui vaut bien plus

J'ai fait ce poème ne sais sur quoi
Et le transmettrai à celui
Qui le transmettra à autrui
Là-bas vers l'Anjou
Qui le transmettra de son côté
A quelqu'un d'autre


GUILLAUME D'AQUITAINE (1071-1126)

pour ceux que cela intéresse, d'autres représentants de la Fin'Amor :
- Bernard de Ventadour, Raimbaut d'Orange, Rigaut de Barbezieux, Guiraut de Borneil, Chrétien de Troyes, Hélinand de Froidmont, Gace Brûlé, Guillaume de Machaut, Jean Froissart.

dimanche, 09 avril 2006

JE SUIS LE FEU

Prend garde à toi, ami lecteur, je suis le feu
Si tu souris, ne lis pas ces mots dangereux
Je suis celui qui rend ardents les bienheureux
Je suis celui qui ensorcèle les ténébreux

Dans mon creuset, je te pétris avec ardeur
Mes flammes sont sans pitié pour tous tes vilains pleurs
Tes larmes je dessèche pour mettre à nu ton coeur
Que jaillisse enfin le visage du fondeur

Surveille tes sens, ami lecteur, je suis le vent
Je balaie toutes tes images de dément
Je ne laisse qu'une plaine en guise de firmament
Dans lequel je fais souffler mes poumons brûlants

Je nettoie le palais du grand incendie
Pour disperser les cendres amères de la nuit
Je suis l'ouragan qui caresse l'oeil qui luit
L'aile qui restaure la mémoire de l'oubli

Sois très prudent, ami lecteur, car je suis l'eau
Je suis celle qui t'inonde et te maintient au chaud
D'un seul geste je peux en toi noyer le héros
Et le garder prisonnier au fond de son cachot

En mon sein tu es né et tu trouves un asile
Le chemin qui t'emmène passe par ma coquille
Sans moi tu es aussi léger qu'une brindille
Ménage-moi si tu veux retrouver la fille

Fais attention, ami lecteur, je suis la terre
Je t'attends depuis cent mille années de lumière
Je suis un point en-deça de toute matière
C'est en moi que s'achève ton parcours solitaire

C'est sur mon promontoire que la Vie commence
Dans un instant de totale allégeance
Dans la mort intégrale du parfum d'arrogance
Une injection létale de massive insouciance

Salut à toi, lecteur, je suis la mécanique
Qui mesure tous les contours du monde électrique
Je suis l'outil qui te maintient dans l'hypnotique
Je suis la transe qui t'a couronné hérétique

Au-delà de mon horizon est la question
Dont la réponse résout toute contradiction
Aucun sens ne s'imprime dans ces mille directions
Une seule récompense en forme d'éxécution

samedi, 08 avril 2006

POETIQUE

C'est le silence que tu dois écouter
Le silence de ce qu'on nomme la perfection formelle
Le silence derrière la rhétorique
Le silence derrière les allusions, les élisions
C'est la quête du non-sens
Jusque dans le sens même
Et réciproquement
Or tout ce qu'avec art j'écris
Est justement sans art
Et tout le plein est vide
Et tout ce que j'ai écrit
Se trouve écrit entre les lignes


GUNNAR EKELOF (1907-1968)

CROYANCES

Seuls ceux qui croient être vivants sans pour autant
Avoir de la Vie découvert les doux secrets
Sont effrayés par ce phénomène permanent
Dont aucun participant n'a décrit l'effet

Comme la Vie la mort est présente à toute heure
A chaque seconde qui passe elle est renaissance
D'un nouveau monde dans lequel bat un nouveau coeur
Création-destruction issue d'une émergence

Mourir au passé à chaque instant pour renaître
Eternel nouveau-né du présent à venir
La mort est joyeuse et sourit à tout martyr
Reconnaissant du simple fait de disparaître

Dans cet unique moment de volupté d'éther
Les saveurs disparues sont autant de merveilles
Il en viendra d'autres différentes mais similaires
En ce même instant vif à nul autre pareil

vendredi, 07 avril 2006

PLUS RIEN

Plus rien qu'un brasier permanent
Plus rien que l'Amour des abeilles
Plus rien que les bras de l'amant
Plus rien que l'ombre du soleil

Et toi, beau ténébreux, qu'as-tu
Que tu puisses mettre en balance
Dans ton monde sans consistance
Où les ombres ne sont que nues

Tu n'as que des rêves avortés
Des projections imaginées
Des choses qui n'adviendront pas
Aussi réelles qu'au cinéma

Ceci n'est pas un jugement
Mais constat du superficiel
C'est dans le pur sacrificiel
Que disparaît l'éclat du temps

jeudi, 06 avril 2006

LE MENSONGE

Va, mon âme, hôtesse du corps,
Pars pour une ingrate mission;
Ne crains point de toucher les meilleurs;
La vérité sera ta caution.
Va, puisqu'il me faut mourir,
Dire au monde qu'il ment.

Dis à la cour qu'elle rougeoie
Et flamboie comme bois pourri;
Dis à l'église qu'elle désigne
Le bien mais ne fait aucun bien;
Si église et cour répliquent,
Alors aux deux dis qu'elles mentent.

Dis aux potentats qu'ils vivent
En agissant par l'action des autres,
Sans amour à moins qu'ils ne donnent,
Sans aucune force que leur faction:
Si les potentats répliquent,
Dis aux potentats qu'ils mentent.

Dis aux hommes de haute condition
Qui gouvernent l'état
Que leur but est l'ambition
Leur pratique seulement la haine:
Et s'ils font une seule réplique,
Alors dis-leur à tous qu'ils mentent

Dis à ceux dont le luxe brave le plus
Qu'ils continuent de tendre la main en se mettant en frais
Eux qui, dans leurs plus grandes dépenses,
N'aiment que l'attention qu'ils forcent:
Et s'ils font réplique,
Alors dis-leur à tous qu'ils mentent.

Dis au zèle qu'il manque de ferveur
Dis à l'amour qu'il n'est que luxure
Dis au temps qu'il ne mesure qu'agitation
Dis à la chair qu'elle n'est que poussière
Et ne souhaite pas qu'ils répliquent
Car tu devrais leur dire qu'ils mentent.

Dis à l'âge qu'il se consume chaque jour
Dis à l'honneur comme il s'altère
Dis à la beauté comme elle se flétrit
Dis à la faveur comme elle vacille
Et s'ils doivent répliquer,
Dis à chacun qu'il ment.

Dis à l'esprit comme il chicane
Sur points subtils et incertains.
Dis à la sagesse qu'elle s'embrouille
A force de vouloir être sage:
Et quand ils répliqueront,
Tout net aux deux dis qu'ils mentent.

Dis à la physique son outrecuidance
Dis à la connaissance qu'elle est prévention;
Dis à la charité sa froideur;
Dis à la loi qu'elle est litige:
Et lorsqu'elles répliqueront
Dis-leur toujours qu'elles mentent.

Dis à la fortune son aveuglement;
Dis à la nature son délabrement;
Dis à l'amitié sa noirceur;
Dis à la justice sa lenteur;
Et si elles veulent répliquer
Alors à toutes dis qu'elles mentent.

Dis aux arts qu'ils n'ont pas de substance
Mais varient au gré des opinions;
Dis aux écoles qu'elles manquent de profondeur
Et ainsi ne se dressent que sur apparences:
Si arts et écoles répliquent,
Aux arts et aux écoles dis qu'ils mentent.

Dis à la foi qu'elle a fui la cité;
Dis comme le pays s'égare;
Dis que l'homme se déprend de la pitié;
Dis que la vertu recommande le moins:
Et s'ils répliquent,
Ne manque point de leur dire qu'ils mentent.

Ainsi quand tu auras, comme je
Te l'ai enjoint, toutes ces mèches éventées,
Puis donc qu'au démentir
Il n'est châtiment moindre que le poignard,
Te poignarde qui veut
Il n'est aucun poignard qui ton âme puisse occire.


SIR WALTER RALEIGH (1552-1618)

LA CONDITION HUMAINE

En vain l'on a obtenu une naissance humaine
Nombreux sont ceux qui ont droit sur ce corps
Le père et la mère disent:"C'est notre enfant",
C'est pour leur propre avantage qu'ils l'ont nourri

L'épouse dit:"C'est mon mari!",
Et, telle une tigresse, elle s'apprête à le dévorer...
Femme et enfants le fixent avidement,
Comme des chacals, la gueule ouverte!

Corbeaux et vautours attendent sa mort,
Cochons et chiens guettent son cadavre...
Le feu dit:"C'est moi qui dévorerai ce corps",
L'eau dit:"C'est moi qui éteindrai le feu!"

La terre dit:"C'est à moi qu'il reviendra",
Le vent dit:"C'est moi qui disperserai ses cendres..."
Cette maison que tu appelles ta maison, pauvre sot,
C'est l'étau qui te serre à la gorge!
Tu as considéré ce corps comme tien,
Et tu t'es égaré dans l'attachement aux biens sensibles,
O insensé!

Nombreux sont les ayants droits à ce corps,
toute ta vie, tu en pâtis,
Et tu ne reprends pas tes esprits, fou que tu es,
et tu cries:" c'est à moi, à moi!"




KABIR (1440-1518)

LA NUIT

La nuit est ivresse royale
Amour torride du superflu
Nature du très imaginal
Union avec un monde échu
Itinéraire vers le natal
Tentation du rien d'absolu

Emotion des sens sans lumière
Silhouettes mortes d'hier
Triste caresse de la matière

Les lueurs reviendront un jour
Oubliés seront les atours
Unité retrouvée d'Amour
Belle aurore en gants de velours
Liberté d'aller sans retour
Ivre de clarté sans détour

mercredi, 05 avril 2006

DEMANDE

Demande lui ce qu'est le temps
Il te dira tu n'as pas d'age
Dans ce temps qui n'est pas vraiment
Tu l'apprendras dans le naufrage

Dans la caresse de l'intérieur
Le silence t'enlacera
Tel un amant vers un ailleurs
Vers un autre monde qu'ici-bas

Sois l'amante de la confiance
Et tu sortiras du tunnel
Crois seulement ton innocence
Tu te découvriras très belle

Oublie passé et avenir
Abandonne toi au moment
Aucune idée de devenir
Dans les bras absents de l'instant

Quand tu connaîtras la réponse
Tu apercevras mille soleils
De toi ne sera plus une once
Il n'y aura plus que merveille

SOUS UN CERISIER BLANC

Les départs et les retours sont mouvements
Immobiles de la pensée qui s'étourdit
D'images héroïques ou d'obscurs sentiments
Dans une virtualité très consentie

Partir au bout d'un cercle noir d'écume étrange
Pour découvrir que dans la bulle est le miracle
Quel voyage irréel dans la poussière d'ange
Quelle surdité aux paroles nues des oracles

Revenir au point de départ jamais quitté
Plonger dans les plus profonds abîmes de l'enfer
Pour rejaillir au sein de l'abyssal éther
Et là n'être plus rien que cendre consumée

Se tenir prête et attentive aux vents qui passent
Dans le délice inaltérable du feu givrant
Bardée de silence et lumière est la cuirasse
Harnachés de vapeur sont les chevaux du temps

SCORIES

S'il reste des étoiles bleues
Dans le clair de tes yeux
Ce sont des sarments d'illusions
Onirisme de la passion

Le prophète n'a plus aucun rêve
Il est la parole qui soulève
Les flots mènent sa barque étrange
Vers l'apogée du saut de l'ange

Les peurs ont fui devant son ombre
Brûlées les chimères de l'espoir
De rien son bagage n'encombre
Que la lumière du miroir

Il n'est ni disciple ni maître
Dans cette enveloppe irréelle
Investi dans le disparaître
Coeur énamouré d'essentiel

mardi, 04 avril 2006

PIERRE JEAN JOUVE (1887-1976)

Le cerf naît de l'action la plus claire
De l'inhumanité trouvée avec sa détresse
De l'extrême chaleur au flanc des icebergs
Et du torrent remontant le cours de ses pierres

Le cerf naît de l'humus le plus bas
De soi, du plaisir de tuer le père
Et du larcin érotique avec la soeur
Des lauriers et des fécales amours

Le cerf apparaît dans les villes
Entre des comptoirs et ruisseaux
Méconnaissable sous la lampe de mercure
Quand le ciel, le ciel même prépare la guerre

(extrait de sueur de sang, 1933)

PHENIX

Comme les vraies saisons sont lentes et comme les montagnes sont arides
Comme les hommes sont présents sans sentir le flot de leur coeur
Comme les vagues de la mer meurent les unes dans les autres pour produire une lueur à la crête des plus avides,
Le poète écoute le Temps qui inscrit très près de son coeur les traits d'une plume de fer.

Ce n'est point votre ouragan, mortels enrichis de moteurs,
Ce n'est pas votre angoisse vide à la recherche du soleil différent d'une autre terre
Ni vos discours sans verbe ni vos moribondes chaleurs
Qu'il sent dans le mouvement des nuits raccourcissant son erre.

C'est ce qui le porte vivant à traverser au dernier jour une eau calme et souterraine
Et ce qui fleurira les arbres et dès après son départ poussera plus follement la harpe énorme des vents
Ce qui soulèvera d'amour la vaste poitrine du sol quand l'étoile bleue de la mort apparaîtra sur la plaine,
Tout ce qui toujours pensera, miroir concave du firmament.

(extrait de lyrique, 1956)

lundi, 03 avril 2006

LES RACINES DU TEMPS

Dans ce jardin qui n'est qu'une partie de toi
La femme qui n'est qu'un aspect de ce fameux roi
Attend que du serpent tu ne sois plus la proie
Et qu'il te guide ardent vers la source de joie

Le plus intelligent des animaux créés
Doit emmener le héros vers sa destinée
Si les filles d'Islande connaissent le miroir
Il n'est nul celte pouvant se perdre dans le noir

Comme une double spirale d'énergie immobile
Une hache anglaise indique le seul vrai point
Promontoire vide surplombant tous les lointains

La raison aliénée doit sortir l'atrabile
Pour qu'à l'occident se lève un soleil serein
Prélude harmonieux de l'arrivée du clair matin

dimanche, 02 avril 2006

LA PERSPECTIVE D'UN JASMIN

Il n'y a d'autre que le reflet troublant
Des projections hallucinées et anxiogènes
Des réverbérations se démultipliant
Dans une danse que j'aime contempler sereine

Quel autre a pu être différent hors des flots
Que la pensée envoie vers d'insolents rivages
Impossible sarabande lors d'un boléro
Créé par l'élan immobile d'un mirage

Quel manque peut être indispensable en perfection
Alors qu'il n'est possible à nul de posséder
Dans la vapeur glacée des mentales illusions
On ne s'accroche qu'à ce qui est déjà mort-né

Dans l'autreté profonde on ne rencontre rien
Qu'une vibration différente et similaire
Variations des fragrances d'un autre ordinaire
Identique à la perspective d'un jasmin

Les conflits ne sont que des rêves décharnés
Où les ombres se dépouillent pour de la poussière
Circonstanciels délires de la psychique matière
Creusets vides pour fondre l'énergie du passé

C'est par la relation que le sublime regard
Se reconnaît comme unique source de joie
Des myriades d’œillades dénuées de hasard
Un vol de flèches azur d'un unique carquois

L'équilibre n'advient que dans la connaissance
De l'insubstantialité de toute barrière
Dans l'abdication du pouvoir que l'arrogance
Attribuait aux images de la sorcière

Les utopies mentales comme la liberté
Entravent autant que le désir les aliénées
C'est en brûlant ces oripeaux du désespoir
Que l'êtreté émerge dans un nouveau prétoire

samedi, 01 avril 2006

PAR LA FENETRE

Il n'est ici que solitude émerveillée
Que je prends plaisir à partager entre nous
Que ce nous soit je ne fait pas contrariété
Tant que cet absent secret ne nous rend pas fous

Insensés nous le sommes déjà de par nature
Quand l'oeil voit les mille directions qui s'élèvent
Bien en-deça des apparences de couverture
Dans ce plat maelström qui consume sans trève

Fous, peut-être le serons-nous qui peut prédire
Ce que le temps qui n'est pas réserve aux amantes
Aujourd'hui il nous accorde d'être insouciantes
N'allons donc pas médire sur un faux devenir

La sensibilité s'ouvre à chaque regard
Fenêtre ouverte sur d'autres images sans aspect
Dans chaque seconde tu vois mille univers sans fard
Et pourtant chacun d'eux n'est qu'un de tes reflets

L'ACCUEIL DU VIDE

Soudain l'océan emplit la larme étincelante
Qui découvre la joie du reflet actif
Scintillement projetant des éclairs d'amante
Statique ondulation dans un repos très vif

C'est dans la mort et l'abandon que se dévoile
L'impossible union de l'individuation
C'est au milieu d'un paisible torrent d'étoiles
Que le souffle détruit toutes les illusions

C'est dans le renoncement aux idées très folles
De la raison aliénée par l'avidité
Que se montrent les fragrances des auréoles
Quand dans l'incendie tout a fini par brûler

Et coule le flux dans un espace sans temps
Vers un lieu où il n'est plus d'endroit existant
C'est dans l'envers de ce décor qu'à l'occident
On peut voir se lever un soleil éclatant